Quand la migraine gâche la vie

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 06.09.2018
 actualités

A la douleur physique des céphalées intenses s'ajoute l'isolement social. De quoi pousser certains migraineux à la déprime.

Ophélie peine à dater la première fois qu'elle a ressenti cette douleur intense, aiguë qui rend sensible aux bruits, à la lumière et aux odeurs. "Je me souviens simplement que j'étais très jeune. Je me tenais la tête, en répétant que j'avais mal. Vers 15-16 ans, j'ai fait mes premiers scanners. Le diagnostic de la migraine a alors pu être posé." En France, ils seraient au moins 8 millions à connaître régulièrement cette douleur qui laboure le cerveau et empêche toute activité.  

"La migraine est une maladie génétique qui fonctionne par crises, explique le Dr. Dominique Valade, neurologue, ancien chef de service du Centre d'Urgences des Céphalées de l'hôpital Lariboisière à Paris. Elles durent entre 4 et 72 heures. Pour parler de 'maladie migraineuse sans aura', il faut avoir eu au moins cinq crises identiques avec au moins deux des caractéristiques suivantes : une tonalité battante, augmentées par l'exercice physique, d'une intensité modérée à sévère, accompagnées de nausées ou de vomissements et augmentées par le bruit et/ou la lumière. Pour parler de 'maladie migraineuse avec aura', il faut ajouter à ces critères des signes visuels dans 90% des cas et des troubles de la sensibilité et de la parole dans 10%." 

 
 

Des symptômes impressionnants qui ont déjà poussé Ophélie à se rendre en urgence à l'hôpital Lariboisière. "J'ai du être perfusée pour que les médicaments fassent effet plus vite tellement la crise était intense", se souvient la jeune femme de 37 ans. 

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Un isolement forcé

Tout à leur douleur, les migraineux se coupent peu à peu de leur entourage familial, social et professionnel. "Cette maladie produit une altération sensible de la qualité de vie", résume le Dr. Valade. Les malades guettent la crise. Le stress monte à mesure qu'ils la sentent arriver. "C'est évidemment toujours aux pires moments : un concert qu'on attend depuis des mois, une soirée entre amis, un anniversaire, énumère Ophélie. J'avais tellement peur d'avoir une crise le jour de mon mariage, que j'ai pris mon traitement de manière préventive, en accord avec mon médecin."  

Emilie, 27 ans, ne compte plus le nombre de dîners annulés parce qu'elle était incapable de se lever. Elle doit alors s'isoler et gérer seule sa déception. "C'est terrible d'être dans le noir sans parler à personne, une bassine à proximité pour vomir à ressasser ce que l'on rate." Ne rien pouvoir prévoir, être contrainte d'annuler ses engagements à la dernière minutedéprime terriblement Emilie. "J'ai le sentiment que rien n'est pérenne, stable." 

Depuis le temps, Ophélie est rodée à l'exercice. Elle éprouve en revanche toujours de la gêne à se montrer aussi vulnérable face à ceux qu'elle aime. Happée par la douleur, elle n'a pas l'énergie de donner le change. "Mon mari m'aime comme je suis mais je sais qu'il a eu un choc la première fois qu'il m'a vu couchée comme une larve au fond du lit." 

"Pourquoi moi ?"

Pour éviter l'apparition de ces crises qui minent leur confiance en eux, la plupart des migraineux se surveillent scrupuleusement. Ils veillent autant que possible à maintenir une bonne hygiène de vie. "La fatigue, le stress, trop d'alcool ou de tabac mais aussi les règles peuvent être des facteurs déclenchants", détaille le Dr. Valade.  

Reste que le respect strict de ces principes n'est pas toujours réalisable au quotidien. "On ne peut pas vivre dans une bulle, sans contrariétés, sans apéros entre amis et sans règles", lance Emilie. Cette parenthèse enchantée, Ophélie l'a connu a un moment très particulier, sa grossesse puis l'allaitement de sa fille. "C'était une vraie bénédiction due aux hormones, s'amuse-t-elle. Dix jours après, j'avais de nouveau une migraine carabinée !" 

"C'est une maladie chronique. Elle revient toujours, confirme le Dr. Valade. Prendre conscience de ce caractère cyclique produit une anxiété qui peut conduire à la dépression." Ophélie, elle, ne se sent pas dépressive. "Bien sur, je me dis 'pourquoi moi ?' mais j'ai la chance de plutôt bien gérer la douleur. Avec le temps, la résistance augmente, on acquiert des réflexes pour ne pas se laisser submerger. La migraine est une histoire familiale. Ma mère est migraineuse, ma grand-mère l'était aussi. Cela m'aide à accepter la maladie."